Le décevant plan de sobriété de Sceaux

La municipalité de Sceaux a présenté son Plan de sobriété lors du Conseil municipal du 11 octobre dernier. Un plan a minima. Des mesures qui ne sont pas à la hauteur des enjeux énergétiques et environnementaux que nous traversons. Retour sur ce débat autour sur la sobriété de notre ville.

Liliane Wietzerbin, conseillère municipale, a interpellé le maire lors du Conseil municipal du 11 octobre 2022, pour demander à la municipalité de voter les mesures de sobriété attendues par les Scéens et de prendre une décision citoyenne qui permettra à la ville de montrer son exemplarité, . 
                                              Nous reproduisons ici une partie de son intervention. 


Monsieur le Maire, je suis extrêmement déçue par le plan de sobriété qui vient de nous être présenté.

La situation que vit notre pays est dramatique et les prix de l’énergie s’envolent. Vous annoncez vous-même les chiffres dans ce Plan : les prix de l’électricité et du gaz seront sans doute multipliés par 4 ou 5 en 2023 par rapport à 2021, c’est absolument colossal.  Dans ce contexte, les appels à la sobriété doivent être entendus à la hauteur de ce qui est en jeu : des risques de délestage, des entreprises qui mettent la clé sous la porte, des collectivités qui souffrent et n’auront pas d’autre choix que d’augmenter les impôts ou de diminuer la qualité des services aux habitants.

Il est demandé d’économiser 10% d’énergie en deux ans. Face à cela, vous vous contentez d’un plan a minima.

Sur le chauffage, vous appliquez simplement les consignes gouvernementales pour une économie de 30 000 euros au tarif 2021. Cela représente 8% d’économie sur le chauffage ; c’est indispensable mais honnêtement, on voit mal comment le réduire encore, notamment dans les gymnases, sans mettre à risque la pratique d’activités physiques qui sont essentielles pour les enfants et les adultes après deux ans de COVID.
Peu de leviers complémentaires sont possibles de ce côté là, j’en conviens. 

Économie minime sur l’éclairage public

Sur l’éclairage nocturne maintenant, la mesure principale porte sur un quart du réseau, celui équipé en Led, la part du réseau la plus performante. Vous réduisez un peu les consommations, en diminuant de 25% l’intensité lumineuse. L’économie en énergie sera minime, d’ailleurs vous ne l’indiquez pas.

Au contraire, vous ne touchez pas à un levier très important à votre disposition, celui de l’éclairage public sur la partie résiduelle, es 3⁄4 du réseau, celle qui de surcroît consomme le plus car de technologie ancienne. Or le potentiel d’économie est ici énorme. 

Mesures du Plan de sobriété de Sceaux.

BÂTIMENTS
La plupart des bâtiments de la ville (soit 44 695 m²) sont chauffés au gaz pour un volume annuel de 6 359 MWh dont le coût s’élève actuellement à 333 000 € et potentiellement à une enveloppe
comprise entre 1,4 et 2,3 millions d’euros en 2023.
Dès l’automne 2022, les mesures suivantes seront appliquées : maintien de 19° dans les crèches en journée et diminution à 15° la nuit, diminution à 14° de la température dans les gymnases, diminution à 18° en moyenne en journée, dans l’ensemble des autres bâtiments (15° la nuit).

ÉCLAIRAGE PUBLIC
En 2021, la consommation d’électricité au titre de l’éclairage public s’est élevée à 1 169 MWh
pour un montant de 172 000 € par an. (...)
Pour les installations en LED  [25 % des dispositifs d’éclairage], la puissance d’éclairage sera réduite : à 75 % de la tombée de la nuit à 23 h, à 50 % à partir de 23 h (contre 75 % actuellement), à 25 % à partir de 1 h (contre 50 % actuellement), à 50 % entre 5 h et 6 h (contre 75 % actuellement), à 75 % de 6 h au lever du jour.

Diminuer l’éclairage nocturne sur une plage de 3h, entre 1h30 et 4h30, est de nature à économiser environ 30% de l’électricité dédiée à l’éclairage public. Une économie budgétaire d’environ 50 000 € au tarif 2021, soit peut-être 250 000 € à 300 000 € en 2023-24. C’est aussi, on le sait de longue date, éviter une pollution lumineuse très nocive aux animaux, qu’ils soient nocturnes ou diurnes et donc à la biodiversité. Nocive aussi à la santé humaine car la lumière peut perturber le sommeil. C’est cette proposition que défend le vœu déposé par le groupe Sceaux en commun et qui sera je l’espère voté en fin de séance.

La majorité municipale s'est opposée au vœu relatif à la mise en œuvre de la sobriété énergétique à Sceaux, déposé lors du Conseil municipal du 11 octobre 2022. Celui-ci proposait l’extinction de l’éclairage public sur les voies communales au cœur de la nuit. Une mesure qui permettait une réduction importante de la consommation d’énergie de la ville, représentant autour de 200 000 € et 300 000 € d’économies. L’extinction de l’éclairage nocturne fait partie des « 10 recommandations pour aider les collectivités à passer l’hiver », émises notamment par l’Association des maires de France.   

Il s’agit d’une mesure très efficace, très facile à mettre en œuvre. Entre 1h30 et 4h30 à Sceaux, il n’y a plus de transports en commun et vraiment très peu de piétons. Et bien sûr il sera possible de se montrer intelligent et d’adapter au cas par cas si nécessaire, par exemple le samedi. D’adapter également en fonction des retours des Scéens et en concertation avec eux. Cette mesure n’a rien  d’extraordinaire ou de révolutionnaire : un tiers des villes de France l’appliquent déjà, Orsay non loin de nous, Poitiers, Fontainebleau, Nancy. 

Le faux débat sur l’insécurité

Vous allez me parler de l’insécurité, car effectivement, on sait que l’obscurité est de nature à renforcer le sentiment d’insécurité, et c’est d’ailleurs tout à fait compréhensible. Cela a cependant été étudié de près et les faits sont têtus : les études, les retours d’expérience, montrent que l’insécurité n’augmente pas, au contraire parfois elle diminue.  Notamment, il y a moins de petites incivilités car moins de rassemblements. C’est contre-intuitif, mais c’est ainsi. Il sera donc nécessaire d’accompagner la mise en œuvre par un peu de pédagogie sur cette question.

La sobriété énergétique est un sujet qui traverse les clivages politiques, le plan de sobriété pourrait être discuté au sein d’un groupe de travail intégrant tous les élus. C’est par exemple le cas à Lyon. Ce serait une très bonne manière de fédérer les Scéens et de susciter l’adhésion. Pourquoi ne le faisons-nous pas?

Nous l’avons tous compris, il est nécessaire d’agir, maintenant. En tant que citoyens responsables, nous ne pouvons pas attendre encore et encore les résultats de la réflexion lancée sur ce sujet depuis plus deux ans (j’allais même dire 10 ans) sans que jamais rien de concret n’ait émergé. Et vous le dites-vous même Mme Presson, vous avez mené cette réflexion, conduit des réunions, invité des experts de la Région à s’exprimer.

Il n‘est pas plus utile d’attendre les résultats du questionnaire que la municipalité a lancé, dont le contenu est par ailleurs assez surprenant (car les questions sont anxiogènes, les réponses non équilibrées, l’enjeu non présenté) et le niveau de fiabilité contestable (une personne peut répondre plusieurs fois et fausser les résultats). Je ne vois d’ailleurs pas trop comment vous vous en servirez… Et puis, ce souci de “consulter” sous cette forme m’étonne car vous savez parfaitement, monsieur le maire, prendre des décisions sans vous appuyez sur ce type d’outils, comme par exemple lorsque les rues du Lycée ou Achille Garnon ont été mises en sens interdit. Vous avez informé la population de cette expérimentation, puis l’avez pérennisée.

Les Scéens ont tout autant le sens des responsabilités que les habitants d’autres villes

Non, je pense qu’ici il s’agit d’une décision politique, sans doute un peu courageuse. Courageuse car en effet, vous devinez qu’une partie de la population pourrait s’y opposer. Mais, vous savez, les Scéens ne sont pas des enfants, face à un discours de vérité, ils ont tout autant le sens des responsabilités que les habitants d’Orsay, Fontainebleau ou Nancy.  De très nombreux Scéens m’ont d’ailleurs fait part de leur soutien à la mesure. 

Toutes les données sont connues, il faut maintenant passer à l’action. Nous vous demandons, monsieur le maire, de prendre une décision à la hauteur des enjeux, une décision citoyenne et responsable qui permettra à la ville de montrer son exemplarité – et je pense que cela ne devrait pas être pour vous déplaire. Nous vous appelons, monsieur le maire, à éteindre l’éclairage public sur les voies communales entre 1h30 et 4h30 ; cela conduira à des effets significatifs et d’ampleur en matière de sobriété énergétique, bien au-delà de ce que vous proposez dans le Plan de sobriété de la ville.